Avec ces cent-vingt dessins aux couleurs sourdes et profondes, Stefano Ricci accumule les images ambiguës et mystérieuses : des personnages sombres, des animaux, des êtres fantastiques, des femmes qui semblent attendre éternellement quelqu’un ou quelque chose...
Il n’est pas injurieux de considérer les pages de Stefano Ricci comme des énigmes absolument obscures, des blocs de lave, des matières sombres et brûlantes comme sorties des entrailles de la terre.
Il n'est pas outrecuidant de considérer les livres de Stefano Ricci comme des blocs de lave "chus ici-bas". Le récit selon Ricci est un mystère qui ne doit jamais être levé. Le sens est démoli d'emblée. Seules les suppositions demeurent. Et la matière. S'il n'y avait la matière, le récit se déliterait, le sens se
perdrait.
L'inquiétante étrangeté pourrait qualifier la série d'images que le dessinateur rassemble dans le premier volume de Dépôt Noir. Le second volet étand le champ de la matière. Paradoxalement, plus les images sont éthérées, allusives, plus la matière se répand à leur surface. La qualité des dessins du meilleur dessinateur italien du moment est captivante. Une matière cireuse, blanchâtre, enserre les formes, les dilue, les affirme aussi bien. Le traitement de l'image donne la sensation d'une décomposition et d'une recomposition. Les traces de collage, les feuilles assemblées, apportent une dynamique qui lie l'ensemble du travail et lui donne sa cohérence.
La prégnance matérielle des images entraîne quelque chose comme une persistance auprès du lecteur. D'une certaine manière, il s'agit d'images lourdes. Des images qui pèsent dans l'esprit. La qualité du travail de Ricci provient de cette volonté de charger l'image de matière veloutée, charbonneuse. Un livre puissant.