24 x 32 cm — 64 pages
impression quadri — cartonné
hors collection / co-édité avec Tusitala
ISBN 979-10-92159-21-9
Manuel de civilité biohardcore
La forêt la plus proche de chez vous est devenue un dépotoir à ciel ouvert, la maison de votre enfance est maintenant le local d’une start-up qui conçoit des coques de portable éco-responsables. La rentrée des classes vous rappelle au devoir d’aller consommer des fournitures scolaires hors de prix pour vos enfants. Ou pire, elle vous rappelle qu’ils ont déjà fait une thèse en histoire de l’art pour finalement travailler dans un entrepôt Amazon. La seule flamme qui brûle encore en vous est celle d’une rancœur tenace contre tous ceux qui ont rendu le désastre possible, et ils vous ressemblent cruellement. Vous n’avez plus l’énergie d’imaginer un monde vivable, et regrettez le temps où votre seul souci pour la rentrée était de vous faire de nouveaux amis. A moins que...
A moins que celle-ci ne soit l’occasion de découvrir un monde de possibles fabuleux, de nouveaux potes bienveillants qui ne piétinent pas votre sensibilité et partagent de bonnes idées pour devenir une personne meilleure. A moins qu’on ne vous livre avec pédagogie des astuces pour changer votre rapport au monde, et le secret de l’univers comme cadeau de bienvenue dans un splendide tas de ruines. Antoine Boute, Stéphane De Groef et Adrien Herda seront vos nouveaux amis en cette rentrée littéraire. Ces artistes de génie ont compris notre détresse et dessiné pour nous des solutions clés en main, faciles à comprendre, pour rendre la planète à nouveau harmonieuse, sauvage et terriblement amusante. Biohardcore, en un mot. Dans un esprit de libre créativité et de jouissive vengeance, il est temps de détruire l’ancien monde, de mener à bien la révolution biohardcore. L’apocalypse DIY commence par la lecture du manuel, “de bonne humeur et désespéré” si possible, et puis les astuces pratiques s’enchaînent. Libérez des porcs de leur camion à l’aide d’un strip-tease au-dessus de l’autoroute, devenez ministre des transports pour transformer les SUV en serre ou en capsule-hôtel, financez la révolution en ouvrant un aquapark bio rempli de larmes de prolétaires… Tous ces fantasmes sont désormais à portée de main, il suffisait d’y penser!
Ce livre nécessitera cependant une lecture attentive, démêlant les énigmes poétiques d’Antoine Boute, gourou qui se moque du monde avec un sérieux imperturbable. Il n’hésitera pas à railler les quelques repères qui nous sauvent encore de la folie, dans des flots de pensées aux allures de révélation mystique, des poèmes où métaphysique et humour scabreux cohabitent, subvertissent toutes les normes à commencer par la ponctuation. Le grand capital est lui aussi vertement tancé, le langage médiatique vide de sens parodié et les grandes imprécations politiques moquées par un verbe orageux, orgiaque. L’ethnographie de la société du travail et de la consommation qui s’y dessine rehausse l’apparente farce d’une profonde tristesse en toile de fond, l’une servant de contrepoint aux excès de l’autre. C’est à nous, lecteurs-acteurs du récit, qu’il appartient de digérer les contradictions, la violence et l’obscénité qui s’en dégagent, comme nous avons l’habitude de le faire pour survivre au burn-out quotidien.
Les planches de Stéphane De Groef et Adrien Herda, aux accents publicitaires et composées à la façon des consignes d’urgences d’un avion, reprennent elles-aussi à leur compte l’ordinaire et le vulgaire pour nous vacciner contre. La famille, le foot, Amazon et les banquiers en prennent pour leur grade, un style pictographique au crayon de couleur recycle le décor de notre confortable enfer. La nature construite par l’homme, les boissons énergisantes et les centres commerciaux apparaissent plus criards et superficiels que jamais. Tout ça est défiguré, reconfiguré par un trait efficace, où les visages s’effacent, parfois remplacés par des emojis : en rêve ou de méchante humeur, nous pourrions être n’importe lequel de ces protagonistes. Les traits de construction apparaissent, la ficelle qui nous fait croire à la fiction du réel est grossière, nous le savions déjà : nous sommes sortis de la caverne, il ne nous reste plus qu’à « foutre un beau bordel ».
L’ensemble est limpide comme une recette de cuisine, efficace comme un schéma, excite nos instincts comme un marketing implacable. Chaque how-to construit comme un gag mène au suivant, l’enchaînement et ses motifs récurrents se lisent comme une histoire, sans morale de fin, dont les héros valeureux sont des orties terroristes et des sangliers radioactifs. Et vous-même, bien sûr, dans un futur proche.
Un manuel visionnaire et sauvage donc, qui retourne contre la catastrophe ambiante ses armes les plus perverses, et dont les conseils pourraient s’avérer de plus en plus utiles. Nos trois guides heurtent notre sensibilité, défoncent le bon goût avec un plaisir malsain et délicieux. Tout détruire sur leur passage dans notre cerveau malade, pour ne laisser qu’un territoire désolé et désopilant, est un moyen de faire naître chez nous, sans même que nous ne nous en apercevions, de fécondes réflexions.
Entretien
Sur le Manuel de Civilité Biohardcore
La presse en parle :
Marie Klock, Libération
"(...)Voilà un manuel des Castors Juniors dégénérés qui offre, clé en main, des solutions outrancières aux problèmes d’un monde qui a gravement merdé. Heureusement, c’est pour de rire."