92 pages — 24 x 32 cm
impression quadri
Relié souple avec rabats
ISBN :9782390220268
Géraldine a mille vies et mille bras, dessinants, accueillants.
Enfant mystique en institut catho, puis mutique dans un CES banlieusard, elle fait jeunesse au lycée français de Casa, rêve d’être médecin, sociologue, hait le dessin, adore la peinture à l’huile. A Paris, elle construit des nids lumineux en céramique, fait de la création textile au Sénégal, travaille pour Sonya Rykiel, chante en slip et moustache dans les « Violettes s’il te plaît », met une enfant au mond,, court à la crèche, pleure dans les toilettes de la mode, prend ses jambes à son cou, quitte Paris, découvre Marseille et le RMI.
Posée au Panier, avec colocs et marmaille, elle croque « A l’arrache », dessins vite faits bien faits sur la débrouille et les embrouilles à Marseille. Ca se publie dans les canards locaux, s’expose généreusement en gros blocs photocopiés où chacun se sert. Pas loin, il y a Fos, entre nature bucolique et grosses industries, mélancolie et pollution : voilà pour « Aquarelle et raffineries », sur facturiers décrépis, puis sérigraphie douce. Au Panier, c’est le branle-bas de combat : « Premier quartier d’Europe, alors ça y est, y s’affolent » titre Géraldine. Dedans, le portrait de Linda dit l’expulsion des pauvres, la nostalgie du Panier, le retour au quartier malgré tout chaque jour : quelques traits au papier carbone et apparaît tout ce qui reste, tout ce qui est laissé. En résidence « Sous les mûriers d’Artaud », surveillants et élèves ne savent pas bien de « quel bord elle est » et elle, chope au rotring les mégots et baskets, les murmures de classe, les phrases qui claquent, cache au scotch de peintre les traits ratés, les visages mal ébauchés.
Et puis rebelotte, elle met une enfant au monde, a des rêves verts et autonomes, quitte Marseille, découvre les Pyrénées Orientales. Là y a pas que la montagne qui est raide, la vie l’est pire. Elle met deux enfants au monde, l’un d’eux en terre, sa mère et sa granny non loin. Le dessin s’est tari. Géraldine devient garde-malade puis épicière à la biocoop du coin, « une scop » rappelle-t-elle toujours, s’occupe des produits maraîchers et y co-crée la librairie engagée qu’elle rêve un temps nomade. De loin en loin, elle attrape un crayon, un pinceau, imagine un myosotis en émail qui à la boutonnière dirait discret le deuil, peint à l’encre de Chine sur toile d’immenses saxifrages, cette minuscule fleur briseuse de rocaille et co-fonde les Saxifrages « pour briser la pensée unique » et accueillir notamment Marie-Josée Mondzain, Franck Lepage... Qui lui demande un oignon pour sa couverture de L’éducation populaire, monsieur, ils n’en ont pas voulu. Parce que l’oignon fait la force.
D’ailleurs, nous voilà parties, Géraldine et moi dans l’aventure de l’Atelier Autonome du Livre, des ateliers, des rencontres, de l’auto-édition. Ca fourmille sec. Géraldine refait ses gammes aux crayons de couleur, va voir les copines isolées par la géographie et la maternité, capte le travail invisible, traque les fêlures et les expose dans « Travaux ménagers ». Puis le monde arrive aux portes de notre village : elle l’accueille direct, travaille au Centre d’Accueil et d’Orientation né du démantèlement de la Jungle calaisienne, continue à bénévoler, puis co-fonde un collectif d’accueil des migrant-e-s. Elle fait, s’enrage, grimpe sur la montagne sacrée souffler un coup en résidence (« Poc à poc »), prend son élan et s’attaque à « Caravansérail » : comment non loin de la Rotja un homme a ouvert sa maison, et toutes et tous de pouvoir s’y arrêter, prendre des forces, voire des racines, reprendre en main ce qui a bien failli leur être pris et qui pourrait l’être encore. Alors c’est terrible et beau à la fois.
Expo-biblio-discographie : Violette s’il te plaît (1993-96) ; A l’arrache (1999) ; Aquarelle et raffineries (1999), Premier quartier d’Europe, alors ça y est, y s’affolent (2000 et en cours de réédition), Sous les mûriers d’Artaud (2001), Travaux ménagers (2014), Poc à poc (2018), Caravansérail (en cours).